dimanche 9 décembre 2007

Mon chéri...

Ce n'est pas ta faute si je t'ai traîné jusqu'ici en pleine nuit. J'en avais envie, t'en avais envie. Mais lequel des deux en avait le plus envie? Toi, tu dis? En es-tu bien sûr? Je ne pense pas...chéri.

J'y avais déjà pensé. Beaucoup trop avant de te rencontrer. C'était un rêve, ou la réalité, qui sait? Le fait est que j'y avais déjà songé.

Ce n'est pas ta faute, si tu étais brutal, sans pitié, froid et affamé. Tu t'es gavé de moi. Tout comme je vais me gaver de toi. Mon chéri.

C'est ce soir, là, dans ce parc désert où les trains mènent au no man's land. Ton land à toi est là. Dans ce parc désert. Avec moi? Peut-être. Peut-être?...pas.

Appuyée sur un arbre rêche, les jambes ouvertes sur ton corps qui se presse contre le mien, demandant, exigeant, brûlant et violent. Tu me mords les lèvres, et avales mon cou. Ta salive et ma sueur se mêlent en une danse langoureuse et me donnent des frissons. Pendant que tu détaches ta ceinture, je vois dans tes yeux ce que tu veux.

Vois-tu assez clair dans les miens?

Désolée, mon chéri. C'était dans mon rêve, ou dans la réalité, ça devait se passer comme ça.

Je tremble un peu après l'acte accompli. Pas de peur, pas de joie, pas d'excitation : un plaisir vif, seulement. Trop vif pour moi.

Je te regarde: tu as l'air un peu effrayé. Qu'est-ce qu'il se passe, mon chéri, tu voulais pas? Oh, j'en suis désolée. C'est arrivé quand même, je t'ai dit, j'y avais déjà songé. J'avais planifié. Je suis malade, tu crois?

Si je te touche là...? Et comme ça...? Tu aimes...? C'est si bon... Tu goûtes si bon. Un peu salé, un peu sucré. Parfait.

Quoi, mon chéri? Pourquoi ta respiration est-elle plus rapide? Tu...tu quoi? Tu veux...ça? Tut tut tut tut... Calme-toi. Ça ne te fera pas trop mal...c'est juste une petite coupure. Ici et là, et là...ouh...et ici aussi, et là...

J'amène mes doigts à nouveau vers ma bouche, toujours plus pleins de ta saveur rouge. Je me baignerais en toi.

En te regardant perdre connaissance, je me sens un peu fautive de t'avoir bâilloné.

- Je suis désolée, mon chéri. C'est comme ça que ça se passe.

samedi 17 novembre 2007

Torture nocturne

Je me réveillai en sursaut et m'assis maladroitement sur le bord de mon lit, l'oreille aux aguets. Le coeur battant la chamade, les mains humides. Quelque chose a bougé quelque part dans la maison sans lumière. Quelque chose ne va pas, mais j'ai un mal fou à déterminer ce que ça peut bien être. Familière étrangeté. Le son étouffé d'un cri à l'étage au-dessous me sort complètement de ma torpeur.

Je me levai lentement, sans faire trop de bruit. Adroitement, je me saisis d'un bâton de baseball caché dans le coin de ma chambre à côté de ma porte que j'ouvris en faisant garde à ne pas la faire grincer. Je mis un pied sur le sol froid du couloir, essayant de distinguer la rampe d'escalier. Je m'arrêtai et tendis l'oreille: un petit frottement sourd venait d'en bas. Je longeai la rampe en tenant mon bâton d'une poigne de fer nerveuse. Lentement, je descendis les escalier dont la cinquième marche craqua. Je m'arrêtai net, terrorisée. Le frottement s'arrêta.

Ne sachant plus que faire, remonter ou continuer courageusement, je restai ainsi, les pieds sur deux marches différentes, immobile, le souffle court, durant ce qui me sembla un quart d'heure. Le bruit étouffé recommença. Il venait très certainement du sous-sol, plus précisément de la salle de lavage. Je souris en me souvenant de ce que j'y avais mis. Sans aucune hésitation, je descendis le reste des marches et me rendis à la salle de lavage et j'en ouvris la porte coulissante.

- Tu essayes de t'échaper, mon amour? C'est pas gentil, ça.

Je me saisis de l'interrupteur et fis la lumière sur ce qu'il se passait. Le sol en ciment recouvert d'arabesques rubicondes et luisantes, guidait le regard vers mon amour, ma bête, ma possession, qui gisait là, recroquevillé dans un coin près d'un foyer allumé.

- Tu saignes, mon amour?

Ses yeux me crachèrent au visage autant d'insultes que la lourdeur du silence pouvait en contenir.

- Ne me regarde pas comme ça. C'est toi qui l'as voulu, mon amour. Attends un peu, je vais t'aider.

Je me mis à genoux devant lui, dans sa mare de sang. Il s'était malencontreusement ouvert quelques veines en essayant de se défaire des menottes que je lui avais imposées, aux poignets et aux chevilles. Je le regardai et approchai mes lèvres de ses plaies chaudes et humides pour y déposer un baiser. C'est malgré moi que ma langue caressa sa peau saignante et y prit goût. Un gémissement échappa à ma bête. Si seulement je ne l'avais pas bâilloné... Mes lèvres firent leur chemin, de ses poignets à son cou que je léchai goûlument avant de lui infliger quelques baisers chauds, puis poursuivirent leur chemin jusqu'à sa bouche sèche que je tâchai de...réhydrater, si l'on peu dire...

dimanche 28 octobre 2007

Tisser la toile

Clic!

L’image d’un visage plusieurs fois savouré mais jamais apprivoisé apparu sur l’écran où se reflétaient plusieurs parcelles de soleil, laissant L… bouche-bée. Elle se sentait complètement ridicule de farfouiller ainsi sur internet, espionnant incognito l’intimité de cet autre et se rendant de plus en plus mal à l’aise et insignifiante à mesure qu’elle en apprenait davantage sur son compte. L… fit défiler d’un coup d’index la longue liste de « friends » et soudain les larmes lui montèrent au visage. Elle cliqua sur un nom au hasard, atterrit sur une autre liste, cliqua encore au hasard et puis se retrouva sur la page de cet autre qu’elle connaissait aussi.
- C’est fou, le monde est petit, se dit-elle.

L… revint sur la première page, la page instigatrice de son mal être : elle qui se croyait importante, signifiante et même unique se sentit impuissante devant le bris incommensurablement odieux de ses illusions. C’est alors qu’elle prit une grave décision.

Sur un coup de tête, elle monta dans sa voiture, inspira trois fois et démarra en trombe en direction de ce visage qu’elle avait vu sur le web. Sur le chemin, ses mains moites glissaient sur le volant ou tambourinaient sur celui-ci au son d’une musique endiablée de Muse. D’habitude, leurs mélodies avaient pour effet de la calmer, mais cette fois-ci, c’était tout le contraire et elle se sentait une envie irrésistible d’aller se perdre au milieu des pistes de danse et bouger au rythme de sa détresse.

Finalement, elle arriva à destination, se gara sur le bord du trottoir, une maison plus loin que celle vers laquelle elle se dirigeait et éteignit le moteur. L… tenta de se calmer, les mains tremblantes, en se frottant les tempes et en essayant de se raisonner à rentrer à la maison, son geste étant très probablement vain et très certainement irrationnel. Sans en tirer une quelconque conclusion, elle ouvrit sa portière et sortit de voiture. Elle se dirigea vers les hauts escaliers en colimaçon de couleur saumon et les monta, un battement de cœur à la fois. Une fois devant la porte, elle dit qu’elle aurait du appeler, puis changea d’avis et se dit que la surprise serait mieux, mais retrouvant un instant sa lucidité elle rendit compte de son ridicule et commença à pleurer silencieusement en proie à un déchirent interne totalement fortuit. Elle avança sa main, leva son bras en direction de la sonnette et étira un petit index à l’ongle méticuleusement manucuré dans l’espoir de caresser peut-être un jour, ce même visage qu’elle s’efforçait d’apprivoiser sans succès.
- C’est inutile, maintenant.
Et son doigt pressa la sonnette qui résonna sourdement à l’intérieur de l’appartement.

À peine quelques secondes plus tard, un bruit de pas se fit entendre dans les escaliers à l’intérieur de la maison, et l’autre ouvrit la porte, vit L… et déconcerté la salua.

- Salut L…, quelle surprise! Je ne m’attendais pas à te voir.

Confuse de savoir dans quel embarras son instabilité l’avait emmenée, L… dit la chose la plus sensée qui lui passa par la tête et qui sur le coup lui parut tout à fait juste :
- Je…je suis venue chercher ma boîte en plastique.
- Ok, tu veux entrer. Est-ce que ça va?
- Oui, je… tu sais la boîte dans laquelle je t’ai apporté les…
- Oui, je sais. Je vais aller la chercher. Tu ne veux pas entrer? Tu es sûre?
- Oui, je. Non, merci. Je vais attendre. Je…pressée.
- Ah bon. Une minute, je reviens.
L’autre remonta les escaliers, laissant la porte grande ouverte devant laquelle L… se sentit fondre en larmes, au comble du pathétisme. L’autre revint, apportant la boîte rectangulaire au couvercle blanc.
- Merci, dit L… .
- Il n’y a pas de quoi. Merci a toi.
À cette dernière phrase, L… releva ses yeux noisette pleins de larmes, fixa l’autre, sourit et s’approcha de lui et l’embrassa.

Dans ce baiser, L… mit toute l’ardeur, toutes les illusions, tous les espoirs, elle sentit l’autre qui s’abandonna à cette caresse inespérée. Elle goûta tous les baisers qui auraient pu être et ne l’ont jamais été, toutes les caresses volatiles ou appuyées, toutes les morsures, les rires coquins, les coups de langue et les griffures dans le dos. Elle savoura dans cet unique baiser tous ses désirs inassouvis pour l’autre et toutes ses envies de lui.
Elle se sépara de lui, fit quelques pas en arrière, lui sourit à nouveau, tourna le dos et repartit.

Sur le chemin du retour, elle souriait, plus contente qu’à l’aller. Elle ne pensait plus revoir l’autre car ce baiser était le premier. Le dernier. Un baiser de début et de fin. Un adieu. Lorsque L… passa sur le pont qui la ramenait chez elle se dit : « lorsque je me réveillerai, tout ira mieux », donna un violent coup de volant sur la droite et passa par-dessus la rambarde de sécurité et sentit voler, légère.
- Tout ira mieux, maintenant.